P....O….E....M….E....S
Je suis un noyau de solitude
Une jonquille éclose dans l’espace
Un joyau de peur et d’incertitude
Je suis une stupeur dans la masse
Ma foi est titubante
Très vite je ne sais plus
J’ai l’appétit d’une géante
Ma prudence l’a repu
Des semaines et des spectres ?
Toujours je les confonds
Je parle aux premières
Me lasse des seconds
Et si le temps était mon ami
Il ne me prendrait pas de si haut
Il clame : « Ainsi va la vie ! »
« Tes idéaux tantôt, des états d’âme bientôt. »


Le monde m’est une couverture
Un enrobage de dessins colorés
Qui me borde, m’emporte
M’empêche de me dérober
La réalité c’est des plis à habiter
Un grand lit dans lequel se glisser
Gîter, étendre ses lianes et ses ailes
Qui demain seront cordes et voiles à hisser
Le monde c’est le palais des métamorphoses
L’état inconnu des choses
Le suspens sans cesse renouvelé
De la perception d’après
La réalité c’est un grand sac
Plein de poches et de fonds cachés
Un immense décor en papier mâché
Qui peut se brûler pour tout recommencer
Le monde est une partition à plusieurs clés
En sol en fa ou en ré
Tu es toujours effaré
Par l’harmonie des airs composés
La réalité c’est mon rêve qui s’agite
qui remue, frémit, quitte sa coquille
Et soudain s’ébroue parmi nous
Mise au monde poétique.
Une brise après l’autre
Tu vois comme s’essouffle le vent
Une heure après l’autre
Tu vois comme se vide le temps
De cette extinction progressive
Tu voudrais que je me satisfasse
Me délave dans la lessive
pendant que le disque repasse
Mais tu peux chanter à tue-tête
Les airs légers d’antan
J’entends toujours la tempête
La réalité m’attend

Je ne suis pas ivre
Je ne suis pas de marbre
Je m’accroche aux branches des livres
Me suspends aux pages des arbres
Et si la terre se craquelle
Si le béton se fendille
Je ne veux ni viser le ciel
Ni quitter la ville
Ce n’est pas par espoir naïf
de colmater les failles
À la truelle et la patafixe
Je préfère le canif et la tenaille
Et je serai là,
Face aux déchirements de l’air,
à taillader les rets de ligaments
rompre les derniers repères
Découdre nos fils d’argent
Et quand la coupe sera vide
Que la ville sera plaine
Il sera temps de souffler
Une brise après l’autre
Pour regonfler le vent
Il sera temps de penser
Une heure après l’autre
Pour remplir l’instant

Pirate de l’aube
Le sabre tendu au clair, sous le reflet de la Lune
Le pirate de l’aube prépare son larcin
son unique œil ouvert contemple les runes
Sa cape comme une robe enveloppe ses reins.
À la quinzième battante il bondit si haut
Qu’au devant de la lame le ciel se tint coi
à la nuit persistante il taillade un morceau
sans aucun état d’âme il s’accorde ce droit
D’un geste décisif il enroule la toile
Découd son long chemin brodé d’or sur l’envers
esquive les récifs des dernières étoiles
Ne s’en ressent pas moins la plaie dans l’univers
Et puis sans s’annoncer apparaît le soleil
s’enfuit sous les rayons le pirate preste
le jour prêt à percer efface la veille
oubliés les haillons de la voûte céleste

Écrire c’est abrasif. La mine contre le papier peut provoquer des étincelles de mots vifs, et le feu regarde, déjà se propage de page en page. N’appelez pas les pompiers, il est un type de rage dont l’expression est floraison d’horizon. Un feu qui dépoussière, qui rend tout fier et transforme les feuilles blanches en papillons de charbon, messagers mystères des braises qui couvaient terrées dans ta tête, incandescentes mais muettes, parce qu’on croit qu’il vaut mieux se taire pour plaire à ses pairs, se couler dans l’onde immobile des jours qui glissent sans même se compter, qui ploient l’échine avant même d’être domptés.

Mes cris n’ont pas de résonance
Car ma caboche est pleine
De rimes, de questions et de sens
Qui n’en valent pas la peine
Qu’il pleuve, vente ou neige
Je me complais au désarroi
Sans cesse me demande où vais-je
Pourtant j’ai un toit
Je ne suis pas à plaindre
Loin de là, loin de là
ça m’occupe de geindre
M’inventer des tracas
Ne me regardez pas je vous prie
Ce n’est pas mon image qui compte
C’est ce que la honte m’a appris
à vivre dans ce décor de conte
Paisible, je m’efface,
Sur l’existence je renie mes droits
Pour qu’un ange passe
Il n’y a plus qu’à croiser les doigts

Ode à toi qui disparais
Trouée au vent et sans repères
tu me laisses,
vulgaire morceau de gruyère
Proie facile des rats, des vers
Qu’ils soient rapaces ou trouvères
Et sur ta ligne de fuite
J’esquisse
un troublant pas de danse
Ne me reste que la suite
Pour oublier à qui je pense
Mais dès que surgit un futur
Je ressasse
D’illusoires augures
Et me sens alors penaude
Car elle est pour toi cette ode
Là où tu aurais pu être
Je tisse
une vaste toile de rêve
Pour que tu t’y empêtres
Jusqu’à ce que tu crèves

Ce qui sidère c’est comment l’angoisse, si vite, s’est changée en rire.
Encore un mirage qui de la réalité s’est épris.
Au compte goutte les larmes deviennent graines de vie et rigolent des sillons de promesses dans la terre joueuse
Vision fantasque sur des fondations de glaise :
satiné de boue, l’horizon pourrait devenir toit pour chaque réfugié harassé d’exil…
Ce n’est pas un rêve. Ça se répète.
L’angoisse, encore, s’est changée en rire.
Il a suffit d’un silence un peu plus long
D’un regard éloquent, d’une moue complice
et c’est la joie qui a pris le dessus
On a rit sans trop savoir pourquoi
Parce qu’après tout, tout cela est cocasse
On a qu’une vie et voyez à quoi on la passe
à l’angoisse du lendemain, un lendemain qui n’a ni nom ni odeur
Un lendemain qui aussi bien pourrait n’être qu’un leurre
Nous pourrions tous être vision factice collée au mur par un rétroprojecteur
Dans une salle de ciné ou une classe de sciences nat’
Sur une planète vaseuse d’un univers parallèle
peuplée de tortues à trois cornes et de fées obèses
Qui en disséquant nos drames se marreraient comme des hyènes
Si elles avaient le temps elles se jetteraient à travers l’espace pour voir si au bout de la course, la chute devient vol plané.
Elles arracheraient les pétales de toutes les fleurs et les recolleraient sur une toile blanche dans un immense dégradé de couleur.
Elles dessineraient des paysages sur leurs maisons et s’amuseraient à y voir poindre les saisons.
Elles écouteraient le souffle du vent et le traduiraient en six langues.
Elles resteraient immobiles des jours durant dans l’espoir de devenir caillou.
Elles tricoteraient de larges couvertures pour que les montagnes n’aient pas froid en hiver.
Elles inventeraient des semaines de dix jours et des journées de trois mois.
Ah ! Si elles avaient le temps…

Je suis l’inconnue
qui va prendre ton cœur
Dont la venue languissante
Attise ta rancœur
Tu n’as pas de mots assez durs
Pour m’envoyer en enfer
Moi dont l’absence dure
et te désespère
Tu penses que je ne viendrais jamais
Que cette promesse est un mythe
Un conte cruellement inventé
Une leçon que l’on médite
Doucement à moi tu renonces
Tu multiplies les sorties d’un soir
Tes rêves tu les ponces
Drogue, alcool, sexe sans histoires
Gare à toi que tu ne perdes
le fil qui te relie à moi
Si fin et dénué de perles
Il peut t’échapper des doigts

Abrège les silences,
afin d’aggraver les douleurs
des mots plein de violence
désagrègent les couleurs
réalité cassée, fracturée,
fractionnable à l’infini
Dégoût de soi, des autres,
tant pis
Tant pis si des élans intempestifs sont broyés dans l’ombre
Tant pis si des Élus tempétueux sont noyés en nombre
Il y a peut-être plus de mal que de peur dans mes veines,
peut-être que le salut est dans l’oubli de ceux qu’on aime
Mode veille.
Mais même dans mon sommeil toujours plus de beurre que de miel.
On glisse, on dérape, se ramollit.
Pour se rassurer on prend des courts-circuit aux allures de raccourcis.
Gzzz, décharge vive.
La barge dérive sur les berges de la folie.

On m’questionne sur le sens de ma vie
J’dis qu’c’est une spirale orientée vers l’infini.
Un tourbillon de joie, de peine,
de début et de fin,
qui incessamment s’enchaînent,
comme on se tient la main.
On m’questionne sur mes plans d’carrière
J’dis qu’ils existent en plusieurs exemplaires,
Qu’il faut prêter attention aux intersections
même sombres entre ces pierres,
– à chaque pas dans les décombres,
c’est la tête que je perds.
On m’questionne sur ma raison d’être
J’dis qu’j’suis pas forcément prête
à révéler le fondement de ma quête
sans connaître vos propres raisons
de poser une telle question.
On m’questionne sur ce en quoi je crois
J’dis qu’c’n’est ni mon pouls, mon cœur, mon foie,
Mais plutôt mon esprit qui s’expand
indépendamment de l’espace-temps
Tandis que mes cellules, elles, périclitent
se dissolvent dans le fleuve d’Héraclite.

J’écris que je dois partir
Mais mes mots s’enlisent
Mes pieds sont de glaise
Je deviens statue de cire
Ma feuille se froisse
Ma plume se casse
Mon encre s’efface
Mes phrases me lassent
J’écris que je ne peux plus me taire
Mais mes mots sonnent creux
Mes pensées s’emmêlent
Ma bouche est cousue de fer
Ma feuille se froisse
Ma plume se casse
Mon encre s’efface
Mes phrases me lassent
J’écris qu’il faut se lancer
Mais mes mots sont paresseux
Fragile par essence
Je tremble de me projeter
Ma feuille se froisse
Ma plume se casse
Mon encre s’efface
Mes phrases me lassent
J’écris que j’ai confiance en moi
Mais mes mots s’affolent
Ils me décrivent folle
Ça me peine plus qu’ils ne croient
Ma feuille se froisse
Ma plume se casse
Mon encre s’efface
Mes phrases me lassent

C’est léger quand il pleut
ça dénoue les nœuds
des ronces et des énigmes
avant qu’elles ne s’enracinent
C’est joli quand il pleut
La résine se dilue
Et dans ce sirop translucide
On décèle un point qui luit
Si ce n’est la Lune
c’est donc une hallu
un éclat venu du large
où la conscience s’éclate
en gouttelettes écarlates
La mort, au fond,
c’est de la pluie qui s’évapore
un écho qui se fond au vide
qui en ressort assourdi
la sécheresse au fond du puits
C’est facile la pluie
ça se range en poèmes et rivières
dans des tranchées faîtes à leur nom
et quand ça déborde ça nourrit la terre
de fleurs et de vers qui se ramassent en brassées
se content en rimes croisées
ne sont jamais de trop pour honorer nos restes
morfondus d’averses
dans une allée du cimetière
