Vous ne voyez pas que je pleure quand je marche dans vos villes,
j’ai la larme incognito et le sourire facile.
Je cabriole et chantonne pour masquer ma mélancolie,
j’encaisse et pardonne vos relents polis —
mais à chaque fête je me défile.
J’ai trop peur de briser l’harmonie avec un sanglot, un élan de panique —
que vous découvriez alors l’envers défraîchi
de ma tapisserie.
Vous ne voyez pas que je pleure quand je marche dans vos villes,
j’ai la larme incognito et le sourire facile.
Dans le béton poussent les mains tendues
et sur les bancs gisent les vies perdues.
Elles s’échouent jusque dans ma rue, s’allongent là où le vent les ploie
là où un bout d’ombre se déploie,
où il fait bon s’endormir en paix
sans se mettre dans de beaux draps.
Vous ne voyez pas que je pleure quand je marche dans vos villes,
j’ai la larme incognito et le sourire facile.
Les murs ont des oreilles, des aiguilles qui me piquent quand je chancelle,
cherche un coin où me raccrocher,
m’isoler,
me reposer.
Mais ce ne sont que rues à contre-sens, interdictions de stationner.
Je marche
sans nul part où aller
avec la peur de vous croiser et que vous reconnaissiez dans mon œil
les larmes que vous-même retenez.