Misanthrope

« Ça dégoûte.

Les sentiments d’autrui.

Ça surgit d’un coup de leur chair, ça suinte de leurs paupières, ça s’accroche aux murs comme du lierre crevé et puis ça dégouline en rivière de boue, ça s’infiltre partout, ça bouche les égouts.


Déjà que ça a un corps autrui, ça se pose là, ça s’installe, ça prend de la place et ça force à se faire regarder, à notifier la présence, à considérer l’existence.


Écoute autrui,

chais pas pour qui tu te prends mais ton égoïsme est indécent. C’est pas parce que t’es d’os et de sang que j’ai envie de savoir ce que tu ressens. Je te préfère invisible, « tu » m’est indicible.
 Je ne veux pas d’ombre entre le soleil et moi, je veux veiller sur mon propre émoi, je veux être le modèle et la copie à la fois. Pas de toi ! Ton nez qui coule, tes lèvres gercées, tes pattes d’oie au coin de l’œil, barre-toi ! T’as pas honte de te montrer si vrai ? On dirait presque que t’es réel, mortel, vivant éphémère.


Ta vulnérabilité m’écœure.


Tes yeux là c’est comme des griffes qui raclent le fond des choses, ça me fout la gerbe ce vertige des choses qu’on trouve au fond des choses, des choses qui ont raison alors qu’on leur a pas posé de question, qu’on leur a fermé la porte au nez et qui pourtant, se fondent à la vérité.


Elle ment la vérité !

C’est la pire des menteuses, la petite peste qui croit savoir tout mieux que tout le monde et qui te suces tout ce qui te reste d’espoir avec sa langue de vipère. À mort la vérité, qu’elle crève la vérité, moi j’veux de l’illusion à en perdre la tête, la boule, le nord, je veux tout perdre et surtout mon chemin, perdez-moi dans la forêt et ne venez pas me chercher, je vous interdis de venir me chercher, celui qui vient me chercher je lui arrache les sentiments et là, autrui, tu feras moins le malin avec le ressenti vide, t’auras même plus rien à me dire, ni pitié ni morale, y aura plus qu’à te pendre à un arbre pour décorer pendant que moi, en paix, je m’enfoncerai dans la forêt. »