Ils disent tous que le temps s’enfuit, invisible, et qu’on ne peut le rattraper. Il a mille pattes imbibées de sang et quand il court sur des kilomètres il trace la ligne rouge de l’instant.
Ils disent tous que le temps est insensible. Fait de vent et de terre il ne craint ni l’incendie ni la noyade, et quand il s’immole à la flamme de nos prunelles, ses mains à peine tâchées de cendres se prétendent innocentes.
Ils disent tous que le temps est un lâche qui n’affronte jamais les effets de ses ravages. Avec ses bottes de sept lieues il se déploie en tout lieu pour nous marcher sur la gueule, il plante ses crampons dans la pente des années et quand on en retrouve la marque indélébile sur nos faces, il est trop tard, il est passé.
Ils disent tous que le temps est criminel. Avec ses jambes à son cou il cavale comme un évadé, comme si on était mille derrière lui avec des pelles et des pioches pour lui trouer le corps, lui faire la peau à ce bâtard, lui creuser une tombe bien profonde dans laquelle on aura tous craché, et sur le seuil de la nouvelle éternité, mous mettre à danser.
Ils disent tant de choses sur le temps qui se défile.
Mais moi je le vois là, lent, qui m’attend. Le sourire aux lèvres, un soupçon cruel, il a les bras ouverts, il m’accueille, m’enlace, m’emmène.