La brume aspire le bruit et le silence, les recrache en un amalgame opaque sans bout par lequel le prendre.
Il n’y a rien. Il n’y a que moi. Moi et le froid.
L’obstination du vide me sidère et me congèle plus sûrement que les rafales de vent.
C’est un vide blanc qui sous mes pieds s’est solidifié comme de l’eau glacée pour me permettre d’avancer.
Mais je ne m’y trompe pas, de sol il n’y a pas. Il n’y a que moi. Moi et le froid.
***
Le temps non plus n’est plus.
Le temps qui habituellement m’angoisse de soupirs. J’ai lâché sa main, il m’a perdue de vue et sans ses pas dans lesquels poser les miens je suis orpheline.
Alors je tourne en rond comme une aiguille.
Le vent efface mes traces mais je ne m’y trompe pas.
Je n’avance pas.
Je suis figée dans une dimension sans loi où le commencement est la fin, la fin estompée par la brume. Tous mes repères sont abattus et moi qui ne fait qu’une, je me sens écartelée peu à peu, entre l’est, l’ouest, le nord, le sud.
Aiguille de chair dans une botte de neige, je deviens glaçon. Je me condense et me contente d’être encore quelques instants, jusqu’au coup de blizzard qui me couchera à plat ventre entre les bras gelés de l’éternité.
***
J’avais des compagnons un temps qui égayaient les nuits et les infortunes. Un par un à la pâleur du paysage ils se sont confondus et moi qui ne fait qu’une, il ne me reste qu’un goût de peur dans la bouche. La peur de rester, de partir en dernier.
Moi sans les autres, dans ce miroir de pureté glacée, je n’ai plus de reflet.
***
J’ai toujours rêvé d’avoir des pouvoirs.
Qui me permettent de voir plus loin, de fendiller l’espace, d’ouvrir des trappes dans la réalité. Qui me permettraient, aujourd’hui, de me sauver. La neige ne serait plus mon ennemie mais un outil à ma disposition. Dans sa douceur je me taillerai un manteau, dans sa froideur un glaive, dans sa blancheur une lumière. Avec mon épée je menacerai le blizzard, fendant la brume, défiant l’éternité. Contre le vent je rétorquerai à coups d’estocs et d’estafilades et quand épuisé, il m’abandonnerait la victoire, à la Lune comme les loups je hurlerai mon nom pour que les glaciers se souviennent, qu’ils en avalent l’écho comme les premières neiges et me révèlent les secrets de leur langage. Je n’aurai plus peur du froid ou du noir. Ma lampe illuminerait mon chemin et ma voie serait pavée de satin.
Je ne veux pas mourir ce soir.
***
Criblant mes espoirs de râles, le froid plante ses griffes dans mon corps, et par petites goulées m’absorbe. Je ne suis plus qu’une flaque d’eau sans consistance, consommée par la brume. Désormais il n’y a plus rien, plus rien que le froid.
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